Le Signal

Entrer dans l’immeuble Le Signal, bâtiment vide et isolé en front de mer de la côte atlantique, a provoqué chez moi un choc esthétique, une sorte d’obsession poétique qui est devenu ce livre édité aujourd’hui par les éditions Inculte grâce à la lecture de Claro, écrivain et traducteur.

En 2014, j’en fais le sujet d’un reportage littéraire pour le magazine Junkpage, pour lequel j’ai écrit une « déambulation mensuelle » pendant deux ans. Dans Au Signal nous disparaîtrons, les premiers instants de fascination sont racontés, sans présager qu’elle se prolongera. Cet endroit, Soulac-sur-mer, m’inspire déjà depuis quelques années par son paysage, ce quelque chose de la fin des terres, la bataille avec le sable… J’y ai fait aussi mes premières dédicaces d’autrice, invitée à la Fête du livre pour La libraire a aimé. À venir voir Le Signal encore et encore, il m’a inspiré des fictions poétiques à écouter – ce sont les installations La marée du siècle et Souvenir – et croisées avec Olivier Crouzel qui de son côté, avec son propre medium de la vidéo, développait aussi son obsession pour l’immeuble jusqu’à réaliser cette œuvre monumentale 18 rideaux.

Puis, comme cela arrive pour un amour, l’immeuble Le Signal est devenu le personnage principal d’un livre. Ce récit, qui s’appuie aussi d’une approche documentaire, est hanté peu à peu d’apparitions, fictionnelles ou intimes, de tentatives de fuite aussi, et aussi quelques questions sur cette époque glorieuse de croissance infinie dont il faudra bien se défaire. Avec l’érosion du littoral, on peut s’attarder sur la bataille des hommes contre l’océan, mais Le Signal par sa disparition a d’autres histoires à raconter, l’abandon, la déchéance, la beauté océanique, le rapport affectif entre un lieu, un paysage et une vie qui passe. Bien sûr qu’il n’a plus de sens à être là, fragile et colossal à la fois, il vient d’un autre temps, construit sur d’autres rêves. D’ailleurs, une habitante avait tagué dans son appartement avant de le quitter : L’océan a gagné.
Ce livre pourrait humblement aider à prendre la mesure de son destin, et du nôtre avec lui.

« C’est curieux, parce qu’à la fois il prenait une place terrible, particulièrement ces dernières années, cité comme symbole dans beaucoup d’articles et de reportages sur l’érosion, le réchauffement, les réfugiés climatiques, et en même temps, on cherchait à l’effacer. » Lui, c’est le Signal, un immeuble bâti dans les années 70 à deux cents mètres de l’océan. Quatre étages d’appartements pour vacanciers et retraités non loin de la très art-déco Soulac-sur-mer. Sauf qu’en 2014, le Signal n’est plus qu’à quelques mètres de l’eau, la résidence est évacuée. « J’étais certaine que son destin
allait avec le nôtre. »
Rôdant régulièrement autour du bateau fantôme et prochainement détruit, Sophie Poirier en tombe amoureuse. Elle entre, arpente couloirs et appartements, aimantée par les vies dont elle trouve encore trace et par celles qui hantent la résidence depuis qu’elle est à l’abandon. Par ce livre, elle offre au Signal un troublant tombeau.
Arnaud Cathrine, Maison de la poésie, 2022

Parution 9 février 2022 – ISBN 978-23-60841-46-2
Agenda des rencontres : ici

©Olivier Crouzel
©Sophie Poirier