L’écrivain ensablé…

La littérature au bord de l’eau… C’est en soi une belle idée. Quand il s’agit de La plage aux écrivains, en mai, Arcachon reçoit du beau monde et sans doute il s’agit d’un vrai rendez-vous littéraire. Mais en avril au Moulleau, petit quartier d’Arcachon, sous une tente entre le Sorbet d’amour et la jetée, pour une fête du livre et ses métiers, la littérature prend des coups de soleil.

Le maire s’est déplacé, certes. Il a discuté un peu avec les gens de La librairie générale, principal partenaire. Nous a serré la main, sans même nous demander Ça va ? Tout se passe bien ?, sans même savoir d’ailleurs qui nous étions.
Nous n’avons pas eu droit à un café offert en 2 jours, juste une bouteille d’Abatilles (l’eau de source d’Arcachon), à rien en fait, et surtout pas à la fin à un merci qui aurait été bienvenu.
Nous étions une Animation, même pas commerciale.

Nous pensions qu’ici… Moulleau, Pyla, un peu la classe tu vois, un certain standing, c’est pas donné du tout la résidence secondaire dans le coin, nous pensions qu’ici donc les gens avaient un certain goût pour la culture en général. C’était un petit événement certes, mais qui avait un potentiel.
Préjugé, ma grande !
Absence de curiosité jamais vue jusqu’ici. Foi de petits éditeurs qui arpentent les foires aux bouquins d’Aquitaine, rarement on vit aussi peu d’intérêt.

Un passant a dit : « Voyons voir ce qu’il y a sous les huttes » et ma foi, nous étions un peu des choses exotiques sous chapiteau. Choses « qu’on regarde de loin », dixit une dame. Une politesse réduite, et surtout une curiosité nulle.

Beaucoup de messieurs en pantalon ou bermuda rouges. Des dames très chics. Des familles très Figaro mag version triplés, du bobo parisien en veux-tu en voilà, du moins chic avec pique-nique Mac’do, et tous avec des glaces 3 parfums ou gaufres chantilly.
C’est vrai que c’est pas pratique de feuilleter des livres avec les mains pleines de sorbet à la fraise.


Le gentil organisateur lorsque le samedi soir il est venu fermer la hutte a dit (parce qu’on s’inquiétait de la surveillance, vu qu’on laissait tous les livres sur place pour le lendemain) : « De toute façon, y’a rien de valeur. » Non, connard, juste des livres, tu sais ces livres que tu as invités à ton événement qui s’appelle Salon du livre…

Bon, là, je vous la fais version critique. (Et j’ai pas l’habitude de faire ma grande gueule de râleuse, d’ailleurs j’ai eu le sourire tout le week-end)
Heureusement, le paysage à cet endroit-là est quand même un peu de l’ordre du paradis sur terre, et sans aucun doute avec le temps parfait qu’il faisait j’étais mieux là que chez moi. Les rares échanges étaient sympathiques, et la vie du petit auteur débutant se nourrit de ces petites gouttes d’eau dans son parcours du combattant.

Quand même, il y a de vraies questions qui se posent : les salons du livre façon alibi culturel et animations commerciales à pas cher (les éditeurs paient pour participer) (y’a pas beaucoup d’animations où ce sont les acteurs qui paient, en général on paie le musicien, le clown, le jongleur. Les seuls qui paient ce sont les artisans sur les marchés, les vendeurs de bijoux en coquillage et de savon à la lavande). Et puis après, il y a cette éternelle question sur la façon de vendre… Ces tables immenses qui n’invitent pas vraiment à la conversation, l’intime de l’écriture présenté comme un rayon de paquets de lessive, bref y’a des trucs mieux à trouver. Mais moi, je sais juste écrire et lire, c’est pas mon métier d’organiser des événements commerciaux-littéraires…

Dans ces moments-là aussi, on mesure l’écart entre être un auteur inconnu et un écrivain reconnu. Tout s’inverse : l’accueil, la chambre d’hôtel réservée, la queue pour obtenir une dédicace, le maire qui vous salue et vous remercie humblement d’être là, le repas offert en terrasse…

Moralité : écrire.

PS : Par souci d’équité (ah ! ah !), un lien vers l’article de Sud-Ouest (et là je mesure l’intégrité de la presse régionale) (ah! ah!).