Bulot : matin, midi, et soir (12)

Deux questions ont été soulevées pendant la semaine : le Bulot ne pouvait-il pas être à Bulot à mi-temps (avec costume de requin l’autre mi-temps) ? Quand le Bulot allait-il passer à autre chose, c’est-à-dire à la lutte ?
Des vraies questions existentielles adressées au Bulot, qui a déjà peine en ce moment à répondre à celles qu’il se pose tout seul comme un grand (car le Bulot s’interroge beaucoup, beaucoup).
Il faut rappeler tout d’abord que le Bulot est un animal angoissé par essence, un animal qui a le doute comme seconde nature, une bestiole un peu chiante car jamais rien ne se déroule pour lui de façon linéaire et évidente. Le bulot n’est pas mou, mais le bulot à cause de cette confiance en lui bien fragile a un rapport compliqué au passage à l’acte. Ce n’est pas l’acte en lui-même qui l’effraie, mais les conséquences de ses actes, les bouleversements, les erreurs possibles… Il a peur de se faire submerger par ses propres actions.
Aussi, en effet, beaucoup de vagues lui passent dessus sans qu’il bronche, jusqu’au jour où…

Et là, une question fondamentale se pose : que devient le Bulot lorsqu’il sort de sa coquille ?
On m’a dit coquille = chrysalide. Le bulot deviendrait papillon ? Ce n’est pas envisageable, une telle métamorphose n’existe pas dans la nature, nous parlons ici de Bulot et non de Frankenstein.
On m’a dit aussi : Le bulot a deux faces= requin le jour, bulot la nuit (je résume)
Alors sommes-nous des sortes de « Bulot Jekyll et Requin Hyde » ?

La réponse n’est pas simple à faire, car effectivement le Bulot n’est pas dépourvu de contradictions.
Ma première réaction de chercheur es-Bulot serait : « Bulot un jour, Bulot toujours ». « Bulot forever » en version américaine. « Bulot hasta la muerte » en version espagnole.
(les chercheurs célèbres sont polyglottes, comme vous pouvez le constater)

Mais en rester là serait éviter le débat…

Le Bulot a des phases où il fonce comme un bélier. Cela a un rapport avec ce passage à l’acte évoqué plus haut.
En vérité, je vous le dis : Le Bulot n’est pas seulement un rêveur béat, ni un être mou dénué de conscience. Ce serait bien mal le connaître que de le croire… Le Bulot fait des choses.
Mais il a peur.
Mais il se pose la question de sa légitimité.
Mais il n’avance pas en écrasant les autres.
Mais il s’englue parfois dans des situations qu’il maîtrise mal.
Mais il est un peu bêta, aussi.
Mais on l’aime bien quand même.

Tout ça pour dire que le Bulot n’est pas un requin. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’ouvre jamais sa gueule de Bulot.
Si vous avez l’impression qu’un requin se cache dans un Bulot, ou le contraire, c’est que c’est un Bulot. Un Bulot déguisé, un Bulot qui se leurre, un Bulot qui essaie de jouer avec les mêmes armes que les requins, un Bulot qui a renoncé à être un Bulot parce que cette marginalité était pesante, un Bulot qui préfère faire croire qu’il n’est pas si Bulot que ça (= un Bulot qui fait des compromis), un Bulot qui s’enivre à imiter la vie active et efficace des requins, un Bulot qui préfère la clandestinité… mais ce n’est pas un requin.

Le Bulot ne s’est pas retiré du monde. Il a simplement des périodes où il n’est pas en état de l’affronter, lui et ses requins en tout genre, donc il s’écarte, il se regarde son nombril de Bulot, il pleure ses larmes de crocodile dans la pénombre de sa coquille et il fait les petites choses qu’il sait faire…

C’est là toute la beauté du Bulot, il ne se prend pas pour autre chose que ce qu’il est, un mollusque réjouissant de paradoxes…

La prochaine fois, je vous raconterai ce que donne la rencontre entre un bulot et un dauphin (sorte de killer, hyper beau, hyper intelligent, que tout le monde aime)