Une Philo-sophie : ça nous avait manqué !

En philo-sophie, on part toujours de la réalité et on fait des virages théoriques et on atterrit où on veut/peut. Longtemps que je n’avais pas pratiqué l’exercice, me semble à propos ce dimanche puis l’envie m’a été donné de réagir et de réfléchir à une sorte d’appel au secours de non-fumeuse récente… Alors philo-sophie : c’est parti mon kiki !

7 mois sans CONTRE 26 ans avec une clope au bec. Peu de photos où je n’en tiens pas une à la main. Mon auto-portrait dans ma tête : je me vois comme une sorte de fille maigre qui fume. Toujours fumer, le premier geste du matin, l’écriture avec ça, comme persuadée depuis 1/4 de siècle que je suis ce que je suis parce que je fume.
Chacun s’invente sa mythologie pour ne pas appeler ça une Addiction. Chacun pense qu’il est libre et que le plaisir avant tout. Même je me suis trouvée subversive avec ma clope, et mes « font chier ces bien-pensants du corps sain ! » et carrément stupide : « je fume donc je suis rebelle ».

J’avoue, je n’ai pas vraiment eu le choix. Sinon je ne sais pas si j’aurais osé affronter la dépendance quand elle devient le manque. C’est drôle parce que c’est à la fois un truc de fou, une putain de bataille, et en même temps plus facile que ce que j’avais fantasmé-cauchemardé. J’ai parlé ici précédemment des choses qui arrivent, des découvertes, des expériences nouvelles.

Comme on envisage un avant/après.
Comme on voudrait revenir parfois au Avant, ce temps où on fumait comme si ce temps-là était meilleur. Faux : pas meilleur du tout, juste un manque comblé, juste un erzatz-un camouflage de bon (puisqu’en fait ça fait mal). Ce temps d’avant, c’est au mieux celui de l’insouciance, mais c’est aussi celui des mensonges qu’on se fait à soi-même à se persuader que « même si ça fait mal c’est bon quand même… »

Ce qu’il faut savoir pour combattre (et les armes ne sont pas égales, croyez-moi…) :
L’addiction fait des trous dans notre cerveau, trous qu’on remblaie, sol qui se creuse à nouveau, crevasses, paf je reremplis, etc. Aucun bonheur là-dedans, juste tu fais des trous et tu rempotes et tu fais un trou et tu rempotes, ad vitam eternam… En vrai, c’est la chiantise absolue, l’absence totale d’imagination et de fantaisie.
Bon.
Le froid arrivant, je vis mes premières soirées où tu es dedans avec les autres qui fument dehors.
Jamais je n’aurais pensé être un jour celle qui se goinfre de pizzas toute seule au buffet pendant que les autres fument sur la terrasse.

Donc je ne suis plus du tout une fille maigre (et quand je me vois dans la glace, je me surprends : « mais c’est qui cette gonzesse qui déborde ? Ah c’est moi ! »).
Jamais je n’aurais pensé être un jour celle qui fait une pile de fringues pour ranger en haut du placard en disant : « Je n’y rentre plus, mais peut-être que je pourrais les remettre quand j’aurais perdu les  kilos »

C’est le genre d’effets secondaires qui vont avec l’arrêt des addictions. Et tu regardes ceux qui n’ont pas tes problèmes avec un peu d’aigreur – c’est possible, ça peut arriver – parce que tu voudrais parfois être n’importe qui sauf toi et ce gouffre sous tes pieds.

Alors, c’est un basculement dans une vie faite soudainement d’ascèse, d’une discipline ridicule et inattendue, de règles auxquelles se conformer, et c’est jamais marrant de passer de l’hédonisme débridé à la vie mode d’emploi restrictions.
Philo-sophiquement c’est discutable aussi : la Jouissance immédiate ou la Prudence prospective ?
Franchement, à choisir, je prendrais la Jouissance immédiate (et avec : la Beauté parfaite, la Jeunesse éternelle, la Richesse et la Santé).  Il se trouve que j’ai basculé dans le camps de ceux qui, ayant entrevu ce que ça fait d’être le corps malade allongé dans le lit d’hôpital, vont soudain avoir juste envie de ne pas réitérer l’expérience, d’où ce goût soudain pour la Prudence prospective…

Je sais, les fumeurs invétérés vont me rétorquer : et le camion qui t’écrase ?! et le grand-père qui fumait rien et qu’est mort à 55 et que l’autre il fumait ET il buvait ET il est mort à 95 ?! et merde !
Je sais, j’ai dit tout ça moi aussi.

Je prends soin de moi (et ça c’est nouveau en fait) en espérant que la vie me joue le moins possible des sales tours comme elle me l’a fait ou pire.
C’est peut-être pas la philo-sophie la plus glamour (de toute façon punk is dead, super dead même, il serait temps de le remarquer) mais j’y prends goût. Être attentif à soi…

Arrêter de fumer devient le symbole de ce geste fondateur. (Effectivement, si je meurs la semaine prochaine écrasée par un piano tombé du ciel  ça sera pas de bol d’avoir fait tout ça pour ça…)
Et je découvre la liberté, et aussi retrouver mon cerveau moins stupide et cet admirable instinct de survie qui forge la volonté (qui faillit souvent). Je n’en fait pas un étendard (chacun son karma) mais j’ai les chakras drôlement plus ouverts et ça c’est super bon !