Quand on est enfant, il y a ce moment où le corps grandit.
Souvenez-vous, ces douleurs dans les muscles des jambes, des sortes de crampe… Ma mère m’expliquait que c’était normal, elle me disait que j’avais une crise de croissance. Je repense à ça ce matin.
On pourrait dérouler la métaphore sous l’angle de l’économie ultra-libérale.
Avec sa crise fantôme. Cette crise d’optique (comme il y a des illusions de) qui ne touche que nous les pauvres très pauvres ou moyens cadres, mais qui n’existe pas pour les riches. Ceci n’est donc pas UNE crise, ni LA crise, mais NOTRE crise très personnelle que nous partageons entre nous qui ne sommes pas riches.
Grandir ça fait mal. (genre ce qui ne nous tue pas gna gna gna, j’ai horreur de cette phrase) (je trouve ce concept épouvantable). Donc aller vers la croissance sera douloureux : c’est ce qu’on essaie de nous vendre.
Je me souviens quand j’étais petite et que je sentais cette douleur précise (et je croyais que j’allais grandir beaucoup comme avec la soupe) (1,60 m pour affronter le monde : voilà ce que j’ai eu) donc je sentais la douleur et je hurlais :
« Maman, maman, j’ai la croissance ! J’ai la croissance ! »
Ah si j’avais su…
Je l’aurais gardée, n’est-ce-pas ?

PS : un conseil d’amie (puisque vous êtes ici c’est qu’on l’est un peu) lisez en entier les voeux d’épopée d’Ariane Mouchkine
extraits : « (…) Je nous souhaite d’abord une fuite périlleuse et ensuite un immense chantier.
D’abord fuir la peste de cette tristesse gluante, que par tombereaux entiers, tous les jours, on déverse sur nous, cette vase venimeuse, faite de haine de soi, de haine de l’autre, de méfiance de tout le monde, de ressentiments passifs et contagieux, d’amertumes stériles, de hargnes persécutoires.
Fuir l’incrédulité ricanante, enflée de sa propre importance, fuir les triomphants prophètes de l’échec inévitable, fuir les pleureurs et vestales d’un passé avorté à jamais et barrant tout futur.
Une fois réussie cette difficile évasion, je nous souhaite un chantier, un chantier colossal, pharaonique, himalayesque, inouï, surhumain parce que justement totalement humain. Le chantier des chantiers.
Ce chantier sur la palissade duquel, dès les élections passées, nos élus s’empressent d’apposer l’écriteau : “Chantier Interdit Au Public“
Je crois que j’ose parler de la démocratie.
Etre consultés de temps à autre ne suffit plus. Plus du tout. Déclarons-nous, tous, responsables de tout.
Entrons sur ce chantier. Pas besoin de violence. De cris, de rage. Pas besoin d’hostilité. Juste besoin de confiance. De regards. D’écoute. De constance.
L’Etat, en l’occurrence, c’est nous.
Ouvrons des laboratoires, ou rejoignons ceux, innombrables déjà, où, à tant de questions et de problèmes, des femmes et des hommes trouvent des réponses, imaginent et proposent des solutions qui ne demandent qu’à être expérimentées et mises en pratique, avec audace et prudence, avec confiance et exigence.
Ajoutons partout, à celles qui existent déjà, des petites zones libres.
Oui, de ces petits exemples courageux qui incitent au courage créatif.
Expérimentons, nous-mêmes, expérimentons, humblement, joyeusement et sans arrogance. Que l’échec soit notre professeur, pas notre censeur. Cent fois sur le métier remettons notre ouvrage. Scrutons nos éprouvettes minuscules ou nos alambics énormes afin de progresser concrètement dans notre recherche d’une meilleure société humaine. Car c’est du minuscule au cosmique que ce travail nous entrainera et entraine déjà ceux qui s’y confrontent. Comme les poètes qui savent qu’il faut, tantôt écrire une ode à la tomate ou à la soupe de congre, tantôt écrire Les Châtiments. Sauver une herbe médicinale en Amazonie, garantir aux femmes la liberté, l’égalité, la vie souvent. (…) »
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