Texte 191 ≈ Sortir du vide ≈ journal vrai/faux de Sophie Poirier ≈ La scène se passe entre 3h et 5h. Je n’ai aucune idée de ce qui déclenche ce maelström nocturne, on a franchement mieux à faire à ces heures-là qu’affronter des tempêtes. (…)
La scène se passe entre 3h et 5h. Je n’ai aucune idée de ce qui déclenche ce maelström nocturne, on a franchement mieux à faire à ces heures-là qu’affronter des tempêtes.
Ça commence, quand j’ouvre les yeux, je réalise que je suis en train de chercher comment expérimenter la possibilité de vivre un truc extrêmement fou, dont les gens diraient « Alors là, je ne pensais pas qu’elle était capable », qui me permettrait moi-même d’atteindre un seuil de fierté inégalé, un défi.
Je me lève pour boire un verre d’eau. Je me regarde dans la glace. Je m’interroge sur la peau de mon cou qui plisse. Est-ce le signe que je vais mourir bientôt ?
Je me recouche.
À partir de là, évidemment à cause de la peau du cou de poule que je me suis constatée, je fais un bilan plus large, je me demande comment et pourquoi j’ai choisi cette vie-là et pas une autre, j’étudie les alternatives, surgit cette grande question à laquelle je réfléchis ardemment : est-ce qu’être audacieux, c’est être irresponsable ?
J’imagine un virage brutal : une bascule dans un destin égoïste qui serait fait de toutes les libertés, pour voir si on y brûle ses ailes aussi vite qu’on nous le raconte. Ou bien, on vit vraiment mieux en cultivant son jardin ?
Puis vient une pause du cerveau avec sa conséquence immédiate, le sentiment d’impuissance, la conclusion fatale de l’insomnie tempête : de toute façon, bientôt je serai très seule, très vieille, très pauvre, très malade, très folle, très triste, très rien…
Le matin qui suit une nuit tornade, le plus difficile ce sont les cinq premières minutes du réveil.
Pour s’en sortir, se convaincre que la nuit et le jour sont deux moments très distincts, éviter le miroir quelques heures le temps de se défroisser un peu ce qu’on peut, boire du café… et se rappeler que se poser des questions existentielles favorisent la plasticité des neurones, ce qui va s’avérer utile pour la suite.
Dormir en k-way, par contre, ne vous protègera aucunement de ce genre d’intempéries.
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