LE LECTEUR DIT


À l’origine de la collection «Comment la parole», une expérience littéraire créée pour la Biennale d’art PanOramas en 2012, et menée par Sophie Robin, metteure en scène et comédienne qui part dans les
médiathèques à la rencontre des lecteurs, leur demander ce qu’ils font là, donner la parole à ces silencieux croisés entre les rayonnages de livres ».
Cette matière, immense, elle la confie à des auteurs pour qu’ils s’en inspirent. Elle met ensuite en lecture et musique ce texte écrit, dans un spectacle qu’elle joue dans les médiathèques.
Mon texte, Le lecteur dit, est comme un monologue dans lequel l’auteure réagit aux phrases des lecteurs…

Éditions L’ire des marges, Collection comment la parole, 2016

« Incroyable.
Comme une maladie qu’ils ont eue dès qu’on leur a posé des questions. Incroyable comme il leur prend l’envie d’avoir la parole et de la garder.
La lectrice dit (et voilà encore l’exemple d’un lecteur qui est prêt à tout) :
Je trouve que maintenant les auteurs ils se regardent un peu trop le nombril.
Provocation typique de lecteur ! C’est un truc qu’on entend tout le temps, que les auteurs, ça se regarde le nombril ! Pas plus qu’un autre, moi j’dis… Bon… c’est vrai, faut avouer, qu’il y a des auteurs qui parlent pas mal d’eux plutôt que d’inventer des aventures romanesques. C’est le grand débat d’ailleurs : Récit Versus MOI. En gros, sur le ring, on trouve Marc Lévy contre Christine Angot. Point de vue portefeuille, c’est le récit qui l’emporte, c’est indéniable. Point de vue Nombre d’articles dans Télérama (pas toujours positifs mais) c’est l’autofiction qui prend le dessus… Du coup, l’auteur se demande comment faire un roman avec son nombril sans que ça se voit.
Sans que ça se voit trop.
L’auteur rétorque pour sa défense (c’est moi l’auteur donc JE rétorque) : mon nombril est assez beau, bien rond, bien rentré, c’est à ma mère que je le dois, veillez à ne pas la mêler à vos histoires (vous noterez qu’on y revient : tout ramène à ÇA, aux histoires), bref, laissez les mères où elles sont, y’a assez de nœuds à dénouer sans qu’on se rajoute les mères sur le dos. Mon nombril est bien fermé à double tour, bien encordé, de ce côté là rien à craindre. Et les mères : tranquilles sur les divans. »

Extrait