si tristement

J’ai dit : Oh, mais non.
J’ai relu, relu, la nouvelle qui se glisse dans le fil d’actu, Mathieu Riboulet était mort.
Je connaissais ces livres, pas encore tous lus. Je l’ai écouté, un soir, à La Machine à lire, le temps de ressentir le corps de l’écriture, le corps de l’écrivain, il fait partie de ceux qui écrivent et qui vivent, rassemblés dans les phrases. Quand on s’approche d’eux vivants, on ressent ça.
Moi, ça me transporte. Cela fait partie des choses dans ma vie, fondamentales. Je ne suis pas sûre d’en avoir fait encore le meilleur usage, mais depuis longtemps, depuis quelques lectures, d’enfance, d’adolescence et d’adulte, j’ai rencontré des écritures dans lesquelles je ressentais la présence vivante, la chair, le coeur battant, le corps jouisseur. Et plus tard, avec le bonheur de rencontrer des auteurs, c’est-à-dire les écouter parler de leurs livres, j’ai vu ça : le corps et l’écriture ensemble, la vie d’écrire.
Mathieu Riboulet m’a fait cet effet.
Pour beaucoup, ce nom ne dit rien.
J’ai appelé ma Sophie-amie : Mathieu Riboulet est mort.
Elle a dit comme moi : Oh, mais non.
Il n’y avait qu’elle à qui je pouvais l’annoncer. Moi aussi répandre la nouvelle. Son importance insupportable.
Dans mon monde, c’est une grande tristesse.
Je l’imagine, lui et son corps malmené. Son corps d’écriture si vif, si résistant, si engagé, si emballant qu’on voulait être de ceux-là. Dans leur sillage, inventer sa propre voix qui s’accorderait à une comme la sienne. Faire partie de la troupe.
Il parlait de jouir et de politique. Il a dû chercher des mots pour la mort.
Sûrement les trouver, jusqu’au bout écrire, je l’imagine ainsi.