En traversant le Jardin public un matin cette semaine (c’était le début de la matinée, je croisais les coureurs en jogging, j’ai ma clope au bec, ils ne peuvent s’empêcher de me regarder d’un drôle d’air : je fume, ils courent), je tombe sur cette pancarte.
Cette expression.
On dirait un titre de roman japonais.
Poésie née d’une mise en page.
Je reste un peu devant, je relis, me répète ces mots : « les arbres du piétinement »
(Si j’étais coureur au lieu de fumeur, je n’aurais sans doute pas découvert ce petit bout de phrase tellement beau)
« Les arbres du piétinement », et je pense au monde. Qui piétine sans aucun doute.
Je jette un œil à présent à la définition. Dans les synonymes proposés pour « piétiner », on trouve à la fois « marcher » et « stagner », j’en déduis que c’est quand on fait du sur place ou qu’on tourne en rond. Le monde, donc.
Ils sont tragiques ces arbres-là vus comme ça.
Ce serait un lieu où nous demeurons parfois, quand rien ne bouge dans nos vies, quand ça n’avance pas tout à fait, quand les princes charmants n’arrivent pas alors qu’on rêve d’un câlin, qu’on voudrait à tout prix une tendresse, quand les conclusions s’obstinent à fuir, quand il y a du désir partout et que rien ne se passe.
Oui, quelquefois, on traverse ces endroits où poussent ces sortes d’arbres.
(Peut-être que c’est là aussi que se font les siestes…)
Et puis un jour, on quitte ce parterre de feuilles mortes (car c’est là indique la pancarte que l’arbre se régénère, là que les éléments nutritifs sont absorbés et que l’ancrage de l’arbre se consolide. Imaginons alors qu’il se produit quelque chose de bon pendant ce moment où on a les pieds un peu bloqués sous notre arbre).
Donc un jour, on avance. Enfin.
Et l’arbre du piétinement… un souvenir.
*(la phrase entière de la pancarte est : La mairie préserve les arbres du piétinement. Comme on dit le gouvernement préserve la France de la crise)
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