Je suis une chroniqueuse des choses qui ont eu lieu. (Je ne sais pas si c’est bien utile comme fonction) (le plaisir compte)
Novart. 
J’ai tout de suite aimé l’affiche et le sous-titre : « les inventeurs ».
J’ai toujours gardé en tête cette explication du mot Inventeur (sans doute un cours d’ancien français à la fac de lettres) qui voulait dire « découvreur de trésor », un trésor étant d’abord caché avant d’être trouvé…

(je viens de vérifier :  XII e siècle, invenciun. Emprunté du latin inventio, « action de trouver, de découvrir ; faculté d’invention ». I. Le fait de trouver, par hasard ou par recherche, un objet caché ou perdu. Le Code civil traite des problèmes soulevés par l’invention des trésors.(…)

Donc le programme (facile à lire-à utiliser-bien relayer sur le net-sur fb) (moi j’ai trouvé en tout cas).
J’ai choisi : La Bibliothèque des livres vivants.

bibliothèquelivresvivantsaffiche

Premier soir : Ouverture de la bibliothèque.
On est séparés en deux groupes. Le mien, c’est Marguerite DURAS.

Les premières pages de L’étranger. « Aujourd’hui maman est morte ».
Le livre est assis sur la scène. Il a cette voix blanche. Peut-être pas celle exactement que chacun aurait en lisant, mais ça va bien au texte comme il le fait. On suit la scène de l’enterrement, la chaleur.
Le livre dit « Je » et l’acteur ne doit pas incarner le narrateur, ne doit pas jouer le narrateur, il doit être la voix d’un livre. Enfin, j’imagine que c’est ça « un livre vivant ».

Puis une voix (une autre) (qui vient d’en haut) présente les livres qui sont à présent tous sur scène : L’étranger, Emma Bovary, Phèdre, Mes amis, Le blé en herbe.
Chacun fait son mini-show façon présentation de candidats dans un jeu télé.
Au début, je ne suis pas sûre de ça, je ne sais pas quoi en penser, et puis je trouve que ça désacralise cette Littérature qui se prend parfois pour un poids lourd et sérieux, finalement c’est drôle, cette Emma Bovary qui fait la maline et qui semble dire : « Aimez-moi »
Chaque extrait est une pure merveille. La langue… mais quel délice !

Mes amis (un texte d’Emmanuel Bove)  est le livre principal (ou vainqueur) ce soir-là.
L’acteur-livre est sur la scène.
Dans une lumière qui peu à peu l’emmène au fond-fondu au noir. On ne le voit plus du tout pendant qu’on entend les dernières phrases.
Découverte d’un trésor : inventeur. Découverte d’un auteur : Emmanuel Bove.
Un texte de 1924. Un journal d’homme qui aurait pû croiser un soir Camus et son absurde, vie pauvre riche de regards sur la vie dehors, la vie dans un immeuble… L’épisode de l’homme que le narrateur empêche de se suicider est réjouissant. Et triste. Il parle à nos solitudes. On trouve ça moderne forcément. C’est juste que la condition humaine ne varie pas beaucoup, qu’on continue de s’y débattre, que tout ce qu’on sait ne nous change pas tant que ça. 1924, l’individu libre en est à ses débuts finalement.
Il explique ça dans son Journal : que sa liberté fait peur aux autres, on le chasse de son logement à cause de ça, il dérange parce qu’il est libre. 1924.
L’acteur (José Antonio Pereira) est parfait. Applaudissement nourris. Ce texte est puissant.

novart_pastilleprogramme

Donc ensuite Dimanche.
J’ai réservé pour Phèdre de Racine, 12h30. Marches du Grand-Théâtre.  L’acteur s’appelle Alexandre Cardin.
Performance évidemment du récital de cette versification. On entend la pièce du début à la fin mais des passages sont sautés comme un lecteur qui irait à l’essentiel, ou plutôt comme un livre qui choisirait lui-même ce qui est important.
Il a parfois ce ton parfois badin ou monotone : c’est vrai qu’il y a des longueurs dans l’alexandrin de Racine et puis malgré cette unité d’action tant louée au XVIIème, ça fait sac de noeuds, même par instant un peu cul-cul. L’acteur l’assume.
Et puis, ces tirades sublimes de Phèdre : il nous donne à voir/à entendre/on ne sait plus, c’est un homme, c’est la voix du livre et pourtant je vois Phèdre qui se répand d’amour et de honte. Une dame derrière moi dira à la fin : quelle émotion…

Oui. Vraiment. Applaudissements.

À chaque fois, j’ai trouvé l’exercice réussi parce que, comme pendant une lecture que l’on fait, il y avait cette petite place que le lecteur occupe dans sa tête, juste à côté du texte, là où il met sa musique à lui, son décor, ses pensées, son interprétation.
Ces livres vivants étaient donc vraiment des livres.


J’avais choisi Phèdre parce qu’adolescente j’ai fait du théâtre et interprété du haut de mes quatorze ans ces deux tirades.
Le bonheur était grand d’entendre à nouveau le cri déchirant de cette héroïne toute entière dans son amour interdit. Et malgré sa tragédie, le moment où elle s’autorise l’aveu honteux est à mes yeux une courageuse tentation de liberté.
On y revient.

Je sais, c’est idiot de vous donner envie maintenant que les livres sont fermés dans leur bibliothèque, mais j’ai lu quelque part que le bibliothécaire l’ouvrirait à nouveau au public et avec d’autres ouvrages à consulter.
À suivre…

Une réponse à « « La bibliothèque des livres vivants » »

  1. […] cette question :« Tout le savoir dans la peau ? » et je pense évidemment à « La bibliothèque des livres vivants », le spectacle de Frédéric Maragnani…. J’y pense encore plus quand je lis plus loin que les scientifiques anglais viennent […]

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