Hôtel La Mirande - Avignon 2013
Hôtel La Mirande – Avignon 2013

Chambre 20. Je ne sais pas si elle sera là. J’entre. Je lis les petites histoires accrochées dans le couloir, la salle de bain, un placard… et puis sa chambre. Sophie Calle est dans son lit, elle lit, lunettes de soleil un peu paravent, elle écoute Christophe, les gens sont debouts autour, ils regardent les cartels. C’est solennel. Nous sommes une dizaine autour d’elle. Un trac.

Comme celui qu’on a devant les gens qu’on admire, les artistes qu’on connaît par coeur. Et le mien bat fort d’un coup. Je lui dis Bonjour. Elle me répond, sourit, m’accueille. En un instant on sort de l’atmosphère muséale. C’est ça qui fait que j’ose.

Je m’approche de son lit, côté plateau du petit déjeuner. De l’autre, c’est le côté matelas brûlé (il évoque celui qu’elle eut jeune fille et puis sa mère le donna à un homme. Dès la première nuit il s’est immolé par le feu, couché sur le matelas). Je me penche vers elle. Sans doute que tout s’est arrêté autour moi.

Je lui demande : Est-ce que je peux vous raconter une histoire ? Elle dit : Bien sûr. Elle m’indique de me mettre là. Je m’assois à côté d’elle. Je dis : à l’oreille ? Elle répond : oui. Je peux vous enregistrer ? Je dis Oui.

Je suis près de son visage, je chuchote, j’entends tellement mon coeur battre, alors je lui raconte ça, les battements que j’entends si fort, qu’avant je n’écoutais pas ce bruit, que maintenant oui, et que là, si elle pouvait toucher la veine, si elle pouvait entendre. Que depuis l’opération, c’est un bruit important, je dis cette phrase « avant je n’écoutais pas mon coeur,  maintenant oui » et je me demande comment j’ai pu dire une chose pareille à Sophie Calle, alors là, voilà… Et merci.

Elle me regarde. Quelques secondes…  Ces yeux brillent, son sourire est d’une douceur infinie. Elle remercie à son tour. Le moment est très délicat alors qu’on est au milieu de l’EXPOSITION, je veux dire que c’est un vrai tour de force que cet intime et le murmure et la pudeur, alors qu’il y a autour ces gens espions, nous les voyeurs d’elle, elle qui aime qu’on soit dans sa vie, dans sa chambre. Cela devrait être impossible de vivre ce moment fragile. Voilà l’artiste.

Je trouve cet échange (car il s’agit de ça me semble-t-il) furtif très beau. Très bon.

Pendant cette exposition avec elle dedans, je comprends vraiment l’importance du signe dans sa vie : qu’elle suit, qu’elle invite, qu’elle invente, qu’elle organise, qu’elle propose, qu’elle remarque. Il ne s’agit pas de Sens, je ne crois pas, mais juste un amour des signes. Une façon de supporter le hasard ? Le mystère ? La fin des choses ?

En sortant de l’Hôtel particulier, sur la route, une petite lettre blanche se distingue par terre au milieu des pavés. Je la ramasse : c’est un S.

Je suis dedans.

Le S trouvé par terre en sortant.
Le S trouvé par terre en sortant.

Liens : J’ai vu Sophie Calle à Avignon l’année dernière

Hôtel La Mirande

Un article dans Rue89 avec des images de la chambre 20 mais je n’ai pas vécu du tout la même chose que le chroniqueur

3 réponses à « Chambre 20 : et j’ai dit à sophie calle »

  1. C’est le S du Sens donné aux directionS vers lesquelles tu avances, Sophie. À la SenSSibilité de l’écoute de tes SenS.

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