je ne sais pas comment l’écrire

Je n’avais pas écrit encore. Un besoin de silence, de réfléchir.
Athée. Je ne supporte plus les religions, la foi tout ça le truc intime qu’il faudrait respecter… sauf que ça n’est pas intime, sauf que ça imprègne tout – je me souviens des manifs des anti-mariage gay, je me souviens de leurs regards chrétiens sur les homos, ça manquait singulièrement de fraternité, j’habite à côté des intégristes catholiques, ceux qui ont des liens avec l’extrême-droite française. Alain Juppé leur a donné cette église, cet endroit, et le dimanche matin, en plein cœur du quartier historique labellisé unesco, je vois ces femmes avec tous leurs enfants bien coiffés. Les serre-têtes et les jupes plissées aussi ostentatoires qu’une burka -.
Mardi une dame a sonné chez moi. À l’interphone, elle a demandé si je voulais parler avec elle de… J’ai compris tout de suite. Tais-toi, j’ai gueulé, dégage, dégage !

Le fascisme se maintient sur toute une partie de la Terre.
Avec ses violences de différentes sortes.
Le fascisme est cette pensée totalitaire qui décide arbitrairement de la mort d’un individu. Mort physique ou mort symbolique.
« Tu meurs parce que je le veux. » : voilà résumé l’acte fasciste.

On ne le découvre pas. Après 1945, des intellectuels ont écrit/essayé de comprendre comment c’était possible, on a jugé des coupables. L’objectif : que ça ne se reproduise pas.

Au début, le mercredi après-midi, j’ai murmuré « On est au Moyen-âge ». Et puis très vite, je me suis dit « Non, pas si loin, non, il y a soixante ans…»
J’ai pensé à Auschwitz. Et que l’enfer qui arrive a encore de la marge. On croyait être reparti de zéro, de ces morts-là, du génocide, de cette infamie-là… voyez la marge qu’il reste… jusqu’où ça peut aller… ça s’approche, ça s’approche, les enfants les petites filles qu’on tue qu’on viole qu’on use qu’on sacrifie, on méprise, on torture… mais voyez la marge… et la capacité à laisser faire qu’on a.
Les parents du journaliste décapité ont dû rêver que nous soyons d’un seul homme James Foley.
On va pas s’en sortir.
Le fascisme ne s’éteint pas.

Entre mercredi 7 janvier et vendredi 9 janvier 2015, la liberté d’exister a été assassinée sous nos yeux.
Plus loin, de nos regards – dans nos écrans pourtant – et de nos quotidiens, on l’assassine inlassablement.
Pourtant tout d’un coup, avec ces meurtres spectaculaires, j’ai l’impression que les questions soulevées sont plus grosses que ce que mon cerveau peut réfléchir.
Assommée. Terrassée. J’ai le plus grand mal à retrouver ma consistance.
Je vais finir comme la vieille dame qui lance des graines aux pigeons, seule et folle. En dehors de toute pensée.
Pour la première fois, la complexité me donne le tournis. De pire en pire…  Le désir de sauver s’affole : qui ? commencer par qui ? quel main je tiens ? Me voilà avec quelque chose comme l’impression de la terre entière sur mes épaules.
Pour l’instant encore incapable d’appréhender tout ce qu’il faudrait faire.
Pour l’instant, persuadée qu’on n’y arrivera pas. Qu’on va manquer de volontaires.

Selon le principe auquel je croyais qu’on se bat mieux en faisant ce qu’on sait faire, je fais mes phrases. Mes phrases vaines. Mes phrases qui sonnent dans le vide. Mes phrases à blanc, à peu, impuissantes.
J’en suis là.
Et je commence à avoir du mal à rire.