Philo-sophie le retour ou : comment ne pas finir empaillée en trophée dans une salle à manger ?

Il y a longtemps, chaque lundi matin, j’écrivais à mes copines une philo-sophie, sorte de newsletter pas sérieuse qu’elles recevaient dans leur boîte mail. M’est apparu que ce lundi matin pourrait commencer par une nouvelle philo-sophie, ça fait longtemps qu’on n’a pas trop ri par ici…


Jour des morts, des zombies, ça défile dans les rues, ça se costume, planqués derrière des têtes blanches, avec des sourires d’égorgés : on joue à se faire peur ? Même pas, juste on joue, on veut jouer à n’importe quoi on dirait, jouer, jouer… Jouer pour oublier, jouer pour se défouler.
Rien n’a changé depuis les fêtes dionysiaques de l’antiquité. Parfois la permanence de l’humanité, c’est troublant. En tout cas, on n’avance pas vite. La roue oui, mais pas nous.

Donc, je me disais ça, samedi soir, en traversant cette ville débordante, avec ce temps de printemps en automne, et je me disais aussi, il nous faut quand même pas grand chose pour devenir fous, il suffit d’une douceur un soir d’Halloween et ça y est, la ville s’enflamme.
C’était drôle parfois, les gens déguisés, ça donne des images curieuses. Les powers rangers faisaient des mouvements de judoka devant un bar à sishas, Moïse est passé au milieu de tous, avec son grand bâton de pèlerin, je cherchais de quel film d’horreur il sortait celui-là, mais les power rangers non plus sont pas tellement épouvantables, donc même Halloween, c’est pas Halloween, c’est mardi gras, bref, je pensais que ce qui devrait nous inquiéter à part leurs tronches de morts vivants, c’était peut-être cette électricité dans l’air de la ville pour un rien, pour oublier.

C’était le même week-end, celui où les oies passaient dans le ciel.
Fin d’été, fin d’automne, pourtant le ciel était bleu, dimanche, on mangeait au soleil.
Et on parlait justement de ça : des oies. Les blanches. Que les filles restaient des filles, que l’oie blanche en nous ne disparaissait jamais tout à fait. On pouvait s’en agacer, voir s’en détester, mais malgré tout, voilà aussi qui nous rajeunissait, presque nous maintenait dans une sorte d’éternité : 15 ans forever, bécasse pour toujours !

Et puis, avec les oiseaux, surtout de la sorte qu’on parle, pas loin, en général : des chasseurs.
Il fut alors question du collectionneur. Disons qu’il y a des chasseurs qui chassent sachant chasser pour le plaisir de chasser, et d’autres qui s’excitent plutôt sur le challenge ; du genre qui commencent par des perdrix et qui finissent par aller faire des safaris.
Certains, blasés, une fois qu’ils ont fait le tour, et tuer les derniers lions, basculent dans la chasse aux mystères ou aux trésors. Plus sympathiques, plus rêveurs… Mais sont-ils pour autant plus fiables ?
(Et gare à ne pas devenir le Loch’ness d’un chasseur, c’est stérile comme perspective d’avenir)

Ainsi donc, on m’appris qu’un mot existait pour désigner ce chasseur-collectionneur : le « scoreur » !
Faire du score. Une comme çi : one point. Une comme ça : two points. Etc.
Et la discussion mena à nouveau sur l’oie blanche en soi qui savait qu’il fallait se méfier du danger face au scoreur mais qui y allait quand même. À partir de là, la conversation est devenue comme Halloween : un grand truc bordélique avec de fausses tentatives de meurtres !

Fallait-il manger en foie gras l’oie blanche qui était en nous une bonne fois pour toute ? L’oie blanche était-elle notre propre ennemie, ou au fond, notre véritable amie de jeunesse ? Comment résister au scoreur ? Comment se venger d’un scoreur ? Quel problème les scoreurs avaient avec leur maman qu’il n’avait pas réglés à 40 ans passés ? Comment devenir soi-même un scoreur ?
Le scoreur, c’était Don juan : »j’ai un cœur à aimer toute la terre… » Don Juan, qui finissait, c’est vrai, très seul et très mort, emporté par le spectre du Commandeur au bord d’une tombe… Halloween mon amour, halloween le retour.

En attendant, les oies restaient des oies.
Mais, cette blancheur intérieure-là, plus les pattes qui s’ajoutaient au coin de nos yeux à force de soleil et de rire, ça nous a donné une sorte d’éternité bien plus réjouissante que celle de Dracula.

(en philo-sophie, on apprécie les chutes radieuses)
(ressemblances etc par hasard etc)

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