TOUT RÉINVENTER

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CouperColler2013©SophiePoirier > d’autres images ici http://lescoupercollerdesophiepoirier.tumblr.com/
Un hommage aux chaises de cuisine sur lesquels on refait le monde parfois en fin de soirée, des discussions sur les vies qu’on a, nos vies bordéliques mais on est vivants, les questions qu’on se pose, ah ça on s’en pose, et puis les bavardages, des quotidiens et on se ressemble tous, les dîners, mon fils qui parle tellement qu’il en oublie de manger, il cale sa bouchée dans un coin de la joue et il parle, il parle et il mangeait froid toujours, je devais lui répéter cent fois comme un rappel de la situation « mange antoine mange ».
Et aussi c’est là qu’on a les petits-déjeuners, qui se prolongent, des tartines grillées et du beurre et de la confiture de fraise, des pieds qu’on cale sous les fesses, un croissant et une chocolatine, une main qui passe sur la cuisse ; dans ma cuisine quelquefois il y en a qui fument, et je leur dis « mais allez vas-y fume ici, on s’en fout d’ouvrir la fenêtre », avec les confidences, parfois des larmes, on fait des pâtes ou du café ou des crêpes ou des pique-nique, je sais pas faire grand chose d’autre, des fous rires parce qu’on s’avoue des choses inavouables, dans ma cuisine minuscule ça en fait des histoires racontées.
Et puis un jour, j’étais aux puces à St-Michel et il y avait ces trois chaises posées comme ça, bleu blanc rouge, j’avais pris la photo, c’était le 1er septembre 2013. Sur l’image, ensuite, j’avais ajouté la phrase TOUT RÉINVENTER.
Dans les cuisines, on réinvente beaucoup, soi et le monde donc avec les autres dans ce monde, nos petits drames se mélangent dans les conversations à la tragédie globale et violente, je pense à tous ces gens qui sont morts, les chaises vides dans les cuisines désormais, les chaises silencieuses, les cuisines tristes, les drapeaux aux fenêtres ça doit leur faire une belle jambe mais j’en sais rien peut-être qu’on y trouve un peu de réconfort à cette nation qui se réunit avec les chansons et les drapeaux, ou peut-être pas, peut-être qu’on doit avoir envie de boucher ses oreilles, et avoir son chagrin assis dans la cuisine.