Il fait la Une de Libé ce matin : mon Signal.
Je suis tombée amoureuse d’un immeuble, cela fait bientôt 5 ans, c’est la première fois que ça m’arrive, c’est pas facile à raconter mais c’est ce que j’essaie d’écrire depuis quelques temps pour un livre bientôt, j’espère édité, j’espère à donner à lire.
Je n’y ai jamais habité.
J’y suis entrée un matin de novembre, accompagnée d’Olivier Crouzel. Je crois pouvoir dire que cette intrusion interdite nous a déplacés quasi immédiatement dans une histoire qui, si elle n’était pas la nôtre, l’est devenue de façon obsessionnelle. Cela a donné le premier texte, la déambulation Au Signal nous disparaîtrons.
Ensuite, nous avons organisé avec Olivier cette installation visuelle et sonore, grandeur nature, à 5h21 un 21 mars, une marée du siècle, et à l’époque j’imaginais comme beaucoup – et tous les journalistes qui se trouvaient là – que « du siècle » voulait dire spectaculaire… Depuis, à cause du Signal, pour comprendre, j’ai appris des choses sur l’érosion du littoral, la dérive des plages, l’arrachement du sable, les marées et les tempêtes, et donc que la marée du siècle a lieu tous les 18 ans et qu’elle peut ressembler à une petite marée tranquille comme celle du 21 mars 2015… L’installation fut un moment très beau, et le texte s’appelait 46 fois l’été.
Avec Olivier Crouzel, nous avons dernièrement réalisé une oeuvre-vidéo de 3 minutes pour une prochaine exposition sur l’océan au Musée de la mer à La Rochelle. Le film s’appelle Souvenir, les images sont prises de l’intérieur du Signal, et on y raconte la vue imprenable.
Depuis, l’amour de l’immeuble continue. Au début de l’écriture du livre, je cherchais une histoire à raconter, dans ce décor. Je me questionnais sur les prénoms des personnages, leur métier, l’intrigue, des principes romanesques. Mais j’ai réalisé à force de patauger, qu’en fait ça ne m’intéressait pas du tout d’inventer. J’avais juste envie de raconter que je suis tombée amoureuse d’un immeuble, qu’il a été laissé à l’abandon, violenté de toutes sortes, résistant sur sa dune qui s’effondre, enjeu de procès et de responsabilités. Maintenant, il me semble qu’il mérite un peu de paix, démuni face aux vagues et aux vents. Bientôt, il sera détruit.
À chaque fois qu’un autre en parle, le prend en photo, le tague, j’ai un déchirement. Une jalousie sans doute.
Si j’avais pu, je l’aurais gardé pour moi.
Avec l’écriture, je le fais, il m’appartient tout entier, ce temps-là est délicieux.
Et peut-être, quand je le partagerai avec des lecteurs, vous comprendrez ce qui m’a pris.