Cette relation longue et obsédante à l’immeuble Le Signal, je l’ai déjà abordée ici, là. Depuis ce reportage initial en 2014, l’histoire continue, de différentes façons. Depuis 2019, cela occasionne un partage sous forme de conférence, comme ce matin d’octobre, avec des étudiants de l’école d’architecture et du paysage, je leur parle de mon expérience entre écriture, paysage et lieu. Et nous réfléchirons à sa disparition.
Et puis, d’autres fois, c’est un travail de création, en compagnie d’Olivier Crouzel, à côté ou avec, selon les projets.
En 2018, il a été lauréat de la fondation Schneider, et son installation-vidéo 18 rideaux est entrée dans cette collection d’art contemporain. L’œuvre est issue de la première installation que nous avions réalisée in situ, La marée du siècle, où étaient projetées sur le bâtiment quelques fenêtres et mon texte 46 fois l’été, fiction sonore, diffusé sur la plage en même temps.
Depuis, Olivier a filmé d’autres fenêtres du Signal, jusqu’à former cet ensemble de 18 rideaux.
Dans le cadre de l’exposition à la fondation, il a ajouté avec Marie Terrieux, directrice de la Fondation François Schneider, une installation appelée Appartement témoin composée d’objets prélevés au Signal, de la captation de la Marée du Siècle, et la diffusion de mon texte 46 fois l’été.
L’œuvre 18 rideaux s’étire sur 18 mètres. 18 vues sur la mer, certaines aux vitres cassées, pas encore toutes.
Il y a quelque chose d’émouvant pour nous à voir entrer « la verrue » du surnom que de nombreux soulacais ont de définir Le Signal au rang d’oeuvre dans un lieu d’art contemporain.
Précisons qu’au jury qui a sélectionné Olivier Crouzel et cette installation-vidéo se trouvait Ernest Pignon-Ernest.
18 fenêtres, selon les heures, les marées basses ou montantes, le ciel clair ou nuageux, la lumière grise ou jaune. Parfois un store déchiré, là le tissu aux pointes effilochées, le grincement de cette fenêtre qui s’ouvre difficilement, l’immeuble est en cours d’abandon, ce n’est que le début, il y a encore le sentiment de vie. Quelques années après, il n’y aura plus rien, même plus les cadres des fenêtres. Juste la vue.
Là, les stores dansent à cause du vent.
Je crois que c’est une de mes fenêtres préférées, les lamelles blanches qui se soulèvent, un air de fantôme, un peu danseur. Certaines vitres sont opaques, salées et sales, des coulures de buée ont laissé des traces, en s’ouvrant la netteté sur le paysage apparaît, la lumière vive, l’air pur. Ici, le trou dans la vitre forme un dessin tracé autour de grands pics de verre. C’est à la fois contemplatif, à chaque appartement l’attraction pour cette vue entourée de son décor particulier, et ce vent qu’on comprend, qui soulève, et les grincements, les cliquetis.
Le mouvement des vagues derrière chaque fenêtre, à la fois le même et aléatoire. Parfois des gens ont la place de marcher sur la plage. On pense que c’est le même paysage, alors que ce n’est ni le même ciel ni le même rythme d’océan, et les nuages se trouent d’autres façons, les vagues ont l’air d’une seule ligne mais d’où viennent les diagonales ?
Le Signal, dans l’installation-vidéo 18 rideaux, continue de dire son message de fragilité et de beauté. C’était passionnant de voir le Signal ainsi, vu à son tour par d’autres, si loin du littoral, protégé dans les hauteurs des Vosges, à Wattwiller dans une pièce blanche d’un centre d’art.
J’étais heureuse aussi d’entendre mon texte 46 fois l’été écrit il y a 5 ans, de le trouver juste et de réaliser qu’il contient déjà tout, même l’histoire du dictionnaire fossilisé au bas de l’immeuble que nous avons fini par emporter avec nous, et qui se retrouve ici parmi les objets précieux.
Et j’espère que mon manuscrit, qui cherche son éditeur, deviendra bientôt un livre, à partager en lecture le récit d’un amour et d’un immeuble.






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