12-12-92 ça rime avec mon fils

Il est 8h. Je regarde sur mon téléphone les horloges de pays d’Amérique du Sud. De toute façon qu’il soit là ou là, ou là, pour l’instant il fait nuit partout, je ne vais pas faire la bonne mère et le réveiller pour lui souhaiter son anniversaire.
Pendant qu’il dort, j’en profite pour lui écrire.
Quelquefois, je le mets en scène dans mes textes, furtivement, c’est un garçon discret (sauf quand il fait de la boxe, qu’il rappe, ou qu’il danse la samba), je le mets en scène dans certains textes comme un personnage qui a souvent la phrase qui tue.
Dans celui-là, on comprendra qu’il a fait des études en lien avec la construction. Je l’utilise comme un personnage qui vient contre-balancer mon désordre, il arrive souvent dans les textes comme ça, avec une sorte de franchise bienveillante, mais implacable.
Depuis qu’il a une vingtaine d’années, je le regarde en pensant qu’au même âge, j’étais sa jeune maman. Je vois la vie libre qu’il mène d’étudiant parisien ou brésilien, son métier, les voyages, sa vie d’amour aussi.
C’est drôle comme être parent, c’est être à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, avec ce que l’on sait-sent (et on ne devrait jamais dire cette phrase Je sais ce que tu es parce que je t’ai vu grandir de si près) et tout ce qu’on ignore de cet enfant transformé en individu à part entière, heureusement. J’avais l’intuition assez tôt que l’éduquer intègrerait cette notion primordiale : il deviendra lui-même, il se détachera peu à peu, pour occuper son propre espace. Et l’éduquer reviendra à nous entraîner à ça, lui et moi.
Je me souviens quand il m’avait dit (il devait être encore à la fac ici) :
« Tu sais, je vais partir de la maison, c’est pas contre toi, mais c’est parce que c’est comme ça, c’est important pour moi de partir. Ne sois pas triste. » J’avais souri…
Il a toujours eu des phrases comme ça, qui m’étaient destinées, pour m’apprendre à être un parent. Par exemple, quand je lui refusais une mobylette à 14 ans, il m’avait répondu : « Tu sais, je peux aussi rester avec toi toute ma vie, c’est sûr, il ne m’arrivera jamais rien… »
Comme il m’a fait grandir avec cette phrase !

Une autre fois, il avait lu mon blog, un texte sur mes difficultés à écrire, les doutes, et très doucement il m’avait dit : « En fait, tu galères un peu en ce moment…  » On avait discuté de ces choses difficiles. Ça m’avait touchée cette manière de souligner.
Dans un autre texte, récent, j’ai raconté une de ses dernières remarques choc. J’aime beaucoup cet enfant-adulte, parce qu’avec son grand sens de l’observation et son génie de la synthèse, il me déplace, de phrase en phrase.

Avant son départ, il m’a emmené à l’avant-première du film Les misérables. Il avait mis son tee-shirt Kourtrajmé, il est fan et il assume. J’avais adoré sa façon d’aller saluer devant l’Utopia les trois acteurs qui étaient là, sa façon simple, il y avait quelque chose sans entrave qui se dégageait de son geste, Bravo, il leur a dit quelques mots, tout entier dans ce geste, ce mouvement vers. Sinon, il n’y va pas.
Je ne vais pas raconter sa vie, il n’aimerait pas ça. Elle est de celle qui donne à une mère des fiertés. J’ai de la chance, on s’est rarement malentendus. (ce qui ne l’empêcha pas de faire quelques conneries plus grosses que lui) (dont certaines heureusement nous font rire encore aujourd’hui)
Il a 27 ans ce matin. Mais avec tous les décalages horaires, je ne sais pas du tout vous dire s’il les a déjà ou pas. Il se réveillera peut-être à Bogota, ça lui fera un bon souvenir d’anniversaire, même s’il est loin de nous.

Qu’il soit assuré en ce jour heureux de tout mon soutien, pour sa vie durant.

Et sans rancune pour la carte postale de la marmotte ;-)