Je viens d’avoir une révélation, j’ai trouvé le métier que je veux faire, j’ai 49 ans et enfin, un évidence. Il a suffit ce matin d’ouvrir un livre acheté hier soir dans la librairie, la librairie qui ferme à 20h et je me suis dis J’y entre parce que si j’habite en ville c’est pour ce plaisir-là, aller dans une libraire à 19h30 et j’emmerde la campagne et leurs oiseaux et leurs moutons, moi je vis en ville au milieu du bruit des selfies des brunchs mais je vais dans une librairie à 19h30, comme ça c’est le privilège de ma vie en ville – qu’on me dit quand je râle à cause de toutes les terrasses en bas de chez moi t’as qu’à aller vivre à la campagne connasse – donc je profite de ma vie de citadine : je vais dans une libraire à 19h30. Je sais quel livre je veux voir. Au début, je veux juste voir le livre, pas l’acheter. Bon, je le vois, La traversée des catastrophes, avec un titre comme ça, en format poche en plus, je ne résiste pas, je le prends, je le feuillette même pas je le prends bien serré dans la main, je suis une citadine qui achète La traversée des catastrophes, c’est un style qui vaut bien la citadine qui va chez Zara le dimanche s’acheter un jean taille haute. J’aime cette satisfaction du livre dans ma main tout de suite, le plaisir est déjà là, mais je continue à voir des tas de livres… Il y en a un autre, je le vois d’autant mieux que j’ai lu un article à son sujet cet après-midi K comme Kolonie de Marie-José Mondzain, je regarde le prix, 14€50, je me dis C’est toujours moins cher qu’un brunch, et voilà que je le prends serré aussi dans la main. Il est temps (ou tant) que je parte, je voulais juste voir un livre et flâner un peu dans la librairie histoire d’affirmer ma vie libre dans la métropole attractive, et je suis déjà en train d’acheter deux livres ! Et puis, voilà que je tombe sur celui dont je parlais au début du texte, celui qui m’a ouvert les yeux sur le métier que j’aurais voulu faire, il n’est peut-être pas trop tard mais ça j’y penserai un autre matin parce que la question de l’avenir ça prend du temps et je l’ai pas ce matin, disons pas assez. Le truc dingue, c’est que je n’ai même pas eu à le lire en entier pour avoir la révélation, c’est juste un truc écrit au sujet de l’autrice.
Revenons à hier : je suis là, avec mes deux livres entre les mains, à batailler avec ma boulimie donc je me replie vers la caisse, mais j’en vois un troisième. Le sentiment d’imposture de Belinda Cannone. Je l’avais entendue dans une émission, j’avais beaucoup aimé comment elle parlait, et bon ce truc du sentiment d’imposture, s’il y en a qui ne connaissent pas (paix à leur âme), il y en a d’autres qui évaluent très bien de quoi il s’agit (un genre de mélasse), donc hier soir ça me paraît le bon moment pour lire enfin quelque chose de sérieux sur le sujet, alors je me dis Pourquoi pas, c’est un format poche, se renseigner sur le sentiment d’imposture ça vaut bien de se prendre en photo devant la Grosse cloche avec une perche à selfie, chacun son kif, je serre mon troisième livre avec les deux autres, je vais enfin à la caisse, je remplis ma carte de fidélité-boulimie, je respire, je ne suis pas sûre que raisonnable soit le mot qui convienne à ce qui vient d’avoir lieu mais il y’a pire, c’est pas comme si j’avais acheté de la drogue non plus…
Ce matin, j’ouvre le livre, avant même le premier chapitre, et je lis que « Belinda Cannone est une romancière et une essayiste. »
Essayiste…
J’imagine quelle aurait été ma vie si j’avais inscrit à l’école dans la case Métier que vous souhaitez faire plus tard : Essayiste.
Je viens de découvrir le plus beau métier du monde, et je l’avais raté…
Jusqu’à maintenant.
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