Je me suis demandée ça ce matin.
Je lisais des articles de philosophes, au sujet d’expérimentations et de transformations, et à travers les réflexions ce désir tendu vers : changer le monde.
Ça mérite question. Avec soi-même j’entends, se mettre au point, s’accorder. Et puis de la loyauté. Surtout si on a eu un idéal des idéaux.
On a beaucoup évoqué cette éventualité : le monde d’après, on y était presque, disons qu’on avait la base, la prise de conscience. Alors après, maintenant, nous voilà encore dedans tout en jurant-crachant ah non pas cracher mais qu’on ira dehors bien davantage qu’avant. Après quoi ? Je ne sais plus trop, puisque le après du avant de la fois d’avant ressemble au avant donc le après du après, c’est quand ?
Expérience du désordre, je ne croyais pas si bien dire quand en 2008, j’écrivais pour la première fois dans (ou sur) mon blog.
Alors, ce monde, est-ce que j’engage quelque chose pour le changer ?
J’hésite.
Disons que depuis quelque temps, je ne vois plus que la folie.
Une folie malheureuse, où rien n’a de sens et se fait et se défait, où le langage se noie dans le verbiage, où les mots se vident dans les fossés, où la question de l’essentiel et du vital renvoient chacune-chacun à ce qui est du confort ou de la survie, où on se demande à qui le tour de mort, où dans le même espace-temps on peut stocker du PQ, boycotter une vache qui rit, voter pour des fous, abandonner des humains dans des camps, faire une minute de silence, devenir faussaire en attestation de dérogation, être en colère, avoir faim, ressentir la privation de sa liberté – d’exprimer, d’avorter, d’avancer, de se sauver, de son corps, de sa pensée – et je ne parle même pas des autres au bord du monde avec du champagne qui observent et qui calculent les milliers les millions les milliards… À se taper la tête contre les murs. Et des murs, partout de plus en plus.
Changer le monde ?
Je reste désormais perplexe, un peu les bras ballants.
J’avoue, je vis autre chose qui m’éloigne, qui m’égare. Une dégénérescence qui me touche, ma mère en caillou, caillou magnifique et perdu, je suis toute entière dans ce chagrin, à faire avec l’injustice du tout près de soi, j’avoue le monde me paraît loin soudain, je le regarde comme un spectacle fatigant, hystérique, je n’ai jamais aimé les spectacles qui crient trop, et celui-là n’en finit pas.
Je ne décroche pas complètement, je lis, je garde le langage à défendre, j’essaie, mais j’avais déjà écrit en 2015 sur ce monde qui penche, on glisse, j’ai de la chance pourtant, insolente, mais dans ce labyrinthe où nous sommes je deviens claustrophobe, je caresse la joue chaude de ma maman, encore un peu je me dis, bientôt elle sera froide, je me demande si je suis impudique en écrivant cela, j’écris pour tenir, pour vous dire, je ne garde pas tout pour moi sinon c’est comme ce masque sur la figure pendant des heures, concernant le monde je ne regarde plus la télé, j’écoute de moins en moins les informations, j’arrive encore à les lire, en silence je fais défiler les titres, ok, ok, ça défile, c’est toujours pire, c’est la glissade générale, ça défile, je ne sais absolument pas quoi faire pour ce monde, et puis lequel à sauver, mais quel désordre mes amis, mes amies, quel désordre !