l'expérience du désordre

Une envie de tout envoyer valser mais alors d’une force !
Parce que ça va bien là, toute cette histoire idiote de pandémie !
Ce mot ridicule, pandémie, qui fait même pas peur. On entend pain de mie. Franchement, comment on peut nous faire peur avec un mot si mou ?
Et covid ! Alors, là, j’en parle même pas, le covid la covid, même sur le genre personne n’est d’accord. On est envahis de mots à la con, de décisions à la con, de commentaires à la con, et avec nos masques en peau de torchon, on a l’air de quoi ?
Complètement cons.

Je suis tellement énervée aujourd’hui que je ne comprends même plus ce que me dit la marchande de légumes, je ne vois que ses yeux, elle me regarde avec insistance, j’ai pas entendu sa question, j’y peux rien, avec le masque et la voiture qui passe, pardon ?
Ah oui, non, excusez-moi, non pas des tomates, non j’avais pas compris, elle continue à me parler et je ne comprends toujours pas. Alors je fais des mimiques, voilà ça va être ça maintenant, la vie des mimiques, les échanges brefs, les dialogues bizarres, les regards en biais, la vie sociale qui se déroule au rayon fruits et légumes, le libre-arbitre qui ne s’exerce plus que sur des choix comme « Vous préférez une grande barquette de fraises ou deux petites barquettes ? », oh non, mais pitié, changez-nous ce film ! Il devient chiant à la longue ! Franchement là, c’est la semaine de trop ! Quoi ? Qu’est-ce que vous me dites, Madame ? Si je veux autre chose ?
– Un sauveur.
– Un sauveur ?
– Non. Laissez tomber. Donnez-moi plutôt ce concombre masqué.

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