en Indonésie, ils ont embauché des habitants pour faire les pocong, c’est-à-dire « des morts piégés à la surface de la terre ». Habillés en fantômes, ils vont dans les rues et les autres habitants, effrayés, respectent mieux le confinement.
D’abord, j’ai pensé que ces pocong n’étaient qu’une métaphore pour nous décrire.
Et puis, j’ai imaginé ce nouveau job que je pourrais faire, emmitouflée d’un drap blanc, à pouvoir errer tranquillement, passer faire des coucous à mes amis, hanter un peu l’appartement de mon fils surtout quand il cuisine des aubergines à la parmesane, aller discuter avec quelques personnes âgées qui elles n’ont plus peur des esprits, tenter la lévitation pour changer du pilates, devenir maigre comme un squelette le temps de m’empiffrer de gaufres.
Moi, pocong, je viendrai souffler un peu d’âme à celles et ceux qui en manquent.
Oui, moi pocong, je pousserai des grands cris du côté des voitures de police histoire de leur donner des frayeurs, et j’agiterai sous leur nez dans un grand fracas de longues chaînes qui leur seraient réservées.
Moi pocong, j’empêcherai de dormir un certain nombre de membres du gouvernement et de décideurs ultralibéraux en leur chuchotant la nuit à l’oreille des histoires macabres de révolutions et de destins sanglants.
Moi, pocong, j’ouvrirai vos fenêtres pour laisser sortir vos envies les plus folles.
Moi, pocong, je monterai sur les toits pour hurler nos inquiétudes ou juste notre ras-le-bol.
Moi, pocong, je serai un fantôme de Bègles, un ancien ouvrier, ou cheminot comme mon arrière-grand-père, et j’organiserai une lutte invisible à l’œil de drônes, une lutte qui traverserait les murs et les barrières et les masques, et sans risque à être enfin réunis, heureux d’être cette multitude, nous pourrons rassembler en un seul tous nos corps, les vivants et les morts. Et faire front.
Engagez-moi.
Question motivation, vous trouverez pas mieux.
Me reste juste à mettre à jour mon CV.

Lire la première
Lire le Prologue
Lire la précédente
Lire la suivante expérience de métempsychose* (35)
Toutes les chroniques isolées
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.