On m’a fait un cadeau.
Mon premier masque en tissu.
On voit aux informations que ce sont surtout les femmes qui sont couturières, dans de petits ateliers, ou des entrepôts. Les femmes cousent les masques.
Ma mère cousait beaucoup, très bien, elle a même eu un atelier de couture à la maison. Elle habillait les autres petites filles. Quand j’essayais d’apprendre, ça et la cuisine, elle me disait : « Toi, tu es une intellectuelle, tu feras des études, tu gagneras de l’argent, tu seras indépendante, tu achèteras tes vêtements. Évidemment, l’un n’empêche pas l’autre, on peut lire des livres et savoir coudre, mais c’était dans les années 80, et nos mères essayaient, comme elles pouvaient, de changer nos perspectives féminines. Ça prend du temps.
En réalité, c’est que je n’étais vraiment pas douée pour toutes les activités manuelles.
Et par ce discours, elle transformait ma maladresse en quelque chose de dynamique.
J’ai marché avec mon masque gris sur le nez et la bouche.
On y étouffe moins que dans les masques en carton.
Nos yeux au-dessus. On se parle à travers.
La vie filtrée. Par les écrans, par le masque.
Avant, je détestais ce hashtag stupide, #nofilter, qu’utilisent les instagramers. Par exemple, ils mettent sur leur compte instagram une photo d’un magnifique coucher de soleil bien rose et orange comme il y en a de nombreux soirs et c’est toujours merveilleux à regarder, et ils ajoutent en légende de leur image : #sunset #coucherdesoleil #nofilter
Comme s’ils venaient de découvrir la beauté des paysages.
Et qu’on serait tous un peu couillons.
Maintenant, je rêve d’une vie #nofilter
Je sais quand même recoudre un bouton.
PS : Je remercie encore la couturière-intellectuelle-galeriste-jardinière-etc pour ce cadeau.
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